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maître du monde

Et, cependant, nos mesures étaient bien prises, elles avaient toutes chances de succès. Si, au moment de notre arrivée, les deux hommes, signalés par Wells, eussent été sur la grève, nous aurions pu — en rampant — arriver jusqu’à eux, les surprendre, les saisir avant qu’ils ne se fussent embarqués… S’ils avaient été à bord, derrière les roches, nous aurions attendu leur descente à terre, et il eût été facile de leur couper la retraite !… Vraisemblablement, puisque, le premier jour comme le second, Wells n’avait jamais aperçu que ces deux hommes, c’est que l’Épouvante ne comptait pas un personnel plus nombreux !

Voilà ce que nous avions pensé, voilà de quelle façon nous aurions opéré !… Mais, par malheur, l’Épouvante n’était plus là !

Posté à l’extrémité de la passe, je n’échangeais que quelques paroles avec Wells. Et était-il besoin de parler pour se comprendre ?… Après le dépit, la colère nous envahissait peu à peu… Avoir manqué notre coup, nous sentir impuissants à continuer comme à recommencer cette campagne !…

Près d’une heure s’écoula… et nous ne songions pas à quitter la place… Nos regards ne cessaient de fouiller ces épaisses ténèbres… Parfois une lueur, due au brasillement des eaux, tremblotait à la surface du lac, puis s’éteignait, et avec elle un espoir promptement déçu !… Parfois aussi, il nous semblait voir une silhouette se dessiner à travers l’ombre, — la masse d’un bateau qui se fût approché… Parfois encore, quelques remous s’arrondissaient, comme si la crique eût été troublée dans ses profondeurs !… Puis ces vagues indices disparaissaient presque aussitôt… Il n’y avait là qu’une illusion des sens, une erreur de notre imagination affolée !

Mais voici que nos compagnons nous rejoignirent, et ma première question fut :

« Rien de nouveau ?…

— Rien, dit John Hart.