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la crique de black-rock

de Black-Rock, puisqu’il s’y aventurait en pleine obscurité. Pas un fanal à bord, pas une clarté de l’intérieur filtrant à travers les hublots. Par instant, on entendait la machine qui fonctionnait en douceur. Les clapotis du remous s’accentuaient et, avant quelques minutes, il serait « à quai ».

Si j’emploie cette expression usitée dans les ports, ce n’est pas sans justesse. En effet, les roches, en cet endroit, formaient plateau, à cinq ou six pieds au-dessus du niveau du lac, emplacement tout indiqué pour un accostage.

« Ne restons pas ici… dit Wells en me saisissant le bras.

— Non, répondis-je, nous risquerions d’être découverts. Il faut se blottir du côté de la grève… se cacher dans quelque anfractuosité et attendre…

— Nous vous suivons. »

Pas une minute à perdre. Peu à peu la masse s’approchait, et, sur le pont faiblement élevé au-dessus de l’eau, se montrait la silhouette de deux hommes.

Est-ce que, décidément, ils n’étaient que deux à bord ?…

Wells et moi, John Hart et Nab Walker, après avoir remonté la passe, nous rampions le long des roches. Des cavités s’évidaient çà et là. Je m’enfonçai avec Wells dans l’une, les deux agents dans l’autre.

Si les hommes de l’Épouvante descendaient sur la grève, ils ne pourraient nous voir, mais nous les verrions, et il y aurait lieu d’agir suivant les circonstances.

Au bruit qui se faisait du côté du lac, à diverses paroles échangées en langue anglaise, il était évident que le bateau venait d’accoster. Presque aussitôt, une amarre fut envoyée précisément à l’extrémité de la passe que nous venions de quitter.

En se glissant jusqu’à l’angle, Wells constata que l’amarre était halée par un des marins qui avait sauté à terre, et l’on put entendre le grappin racler le sol.