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maître du monde

mi-chemin de Madison et de Milwaukee, suivie de près par une Harward Watson, et une Dion-Bouton. Quelques accidents s’étaient déjà produits, des moteurs fonctionnant mal, des appareils restés en panne, et, vraisemblablement, ils ne seraient pas plus d’une douzaine de chauffeurs en mesure d’atteindre le but. Mais, si l’on comptait plusieurs blessés, ils l’étaient peu grièvement. D’ailleurs, y eût-il eu mort d’hommes, c’est un détail, qui n’a pas grande importance dans cet étonnant pays d’Amérique.

On le comprendra, où la curiosité, où les passions devaient se déchaîner dans toute leur violence, c’était plus particulièrement aux approches de Milwaukee. Sur la rive ouest du Michigan se dressait le poteau d’arrivée, pavoisé de toutes les couleurs internationales.

Bref, après dix heures, il fut manifeste que le grand prix — vingt mille dollars — ne serait plus disputé que par cinq automobiles, deux américaines, deux françaises, une anglaise, grâce à leur avance considérable, les autres rivales étant distancées par suite d’accidents. Dès lors, on imaginera aisément avec quelle furia s’engageaient les derniers paris qui mettaient en jeu l’amour-propre national. À peine si les agences pouvaient suffire aux demandes. Les cotes progressaient avec une rapidité fiévreuse. Les représentants des principales marques qui tenaient la tête étaient prêts à en venir aux mains, et, si le revolver ou le bowie-knife ne s’en mêlaient pas, il ne s’en faudrait guère !

« À un contre trois, la Harward-Watson !…

— À un contre deux, le Dion-Bouton !…

— À égalité, la Renault frères ! »

Ces cris, on peut le dire, retentissaient sur toute la ligne à mesure que se répandaient les nouvelles téléphoniques.

Or, voici que vers neuf heures et demie à l’horloge municipale de Prairie-du-Chien, deux milles avant cette bourgade, se