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mathias sandorf.

amont. C’était l’énorme rocher du Buco, dans lequel s’ouvrait la trouée souterraine qui livrait passage aux eaux de la Foïba. Le jour se manifestait déjà par de légères lueurs éparses au zénith, vagues comme ces nébuleuses que l’œil peut à peine percevoir par les belles nuits d’hiver. De temps en temps, quelques éclairs blanchâtres illuminaient les arrière-plans de l’horizon, au milieu des roulements continus mais sourds de la foudre. L’orage s’éloignait ou s’éteignait peu à peu, après avoir usé toute la matière électrique accumulée dans l’espace.

À droite, à gauche, Mathias Sandorf porta ses regards, non sans une vive anxiété. Il put voir alors que la rivière coulait entre deux hauts contreforts et toujours avec une extrême vitesse.

C’était donc un rapide qui emportait encore les fugitifs au milieu de ses remous et tourbillons. Mais enfin l’infini s’étendait au-dessus de leur tête, et non plus cette voûte surbaissée, dont les saillies menaçaient à chaque instant de leur briser le crâne. D’ailleurs, pas de berge, sur laquelle ils eussent pu prendre pied, pas même un talus où le débarquement fût possible. Deux hautes murailles accores encaissaient l’étroite Foïba. En somme, le canal resserré, avec ses parois verticales, lissées par les eaux, moins son plafond de pierre.