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le torrent de la foïba.

Mathias Sandorf ne savait quel parti prendre, lorsque le tronc d’arbre, heurtant une souche à fleur d’eau, sur la rive gauche du lagon, s’arrêta net. Ses racines s’embarrassèrent si solidement même dans un massif de broussailles, qu’il vint se ranger le long de la rive, comme un canot à l’appel de son amarre.

Le comte Sandorf débarqua sur la grève, non sans précaution. Il voulait d’abord s’assurer que personne ne pouvait les apercevoir.

Si loin qu’il portât ses regards, il ne vit pas un seul habitant, pêcheur ou autre, sur cette partie du lagon.

Et, cependant, il y avait un homme, étendu sur le sable, à moins de deux cents pas, et qui, de là, pouvait apercevoir les deux fugitifs.

Le comte Sandorf, se croyant en sûreté, redescendit alors jusqu’au niveau du tronc d’arbre, souleva son compagnon dans ses bras, et vint le déposer sur la grève, sans rien savoir de l’endroit où il se trouvait, ni de la direction qu’il conviendrait de suivre.

En réalité, cette étendue d’eau, qui servait d’embouchure à la Foïba, n’était ni un lagon ni un lac, mais un estuaire. On lui donne dans le pays le nom de canal de Lème, et il communique avec l’Adriatique par une étroite coupée entre Orsera et Rovi-