Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 1.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

232
mathias sandorf.

teurs ou saltimbanques, n’obtenaient pas également la faveur du public. Entre les plus délaissés, on pouvait remarquer deux acrobates, qui se démenaient en vain sur une estrade, sans spectateurs.

Au-dessus de cette estrade pendaient des toiles peinturlurées, en assez mauvais état, représentant des animaux féroces, brossés à la détrempe, avec les contours les plus fantaisistes, lions, chacals, hyènes, tigres, boas, etc., bondissant ou se déroulant au milieu de paysages invraisemblables. En arrière s’arrondissait une petite arène, entourée de vieilles voiles, percées de trop de trous pour que l’œil des indiscrets ne fût pas tenté de s’y appliquer, — ce qui devait nuire à la recette.

En avant, sur un des piquets mal assujettis reposait une mauvaise planche, enseigne rudimentaire, qui portait ces cinq mots, grossièrement tracés au charbon :

pescade et matifou
acrobates français.


Au point de vue physique, — et sans doute, au point de vue moral, — ces deux hommes étaient aussi différents l’un de l’autre que peuvent l’être deux créatures humaines. Seule, leur commune origine avait dû les rapprocher pour courir le monde et