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pescade et matifou.

Et cependant, ce public slave, son compagnon et lui le pratiquaient depuis plusieurs mois.

Après avoir quitté la Provence, les deux amis s’étaient lancés à travers les Alpes maritimes, le Milanais, la Lombardie, la Vénétie, montés, on pourrait le dire, l’un sur l’autre, Cap Matifou, célèbre par sa force, Pointe Pescade, célèbre par son agilité. Leur renommée les avait poussés jusqu’à Trieste, en pleine Illyrie. De Trieste, en suivant l’Istrie, ils étaient descendus sur la côte dalmate, à Zara, à Salone, à Raguse, trouvant plus de profit à toujours aller devant eux qu’à revenir en arrière. En arrière, ils étaient usés. En avant, ils apportaient un répertoire neuf, d’où sortiraient peut-être quelques recettes. Maintenant, hélas ! ils ne le voyaient que trop, la tournée, qui n’avait jamais été très bonne, menaçait de devenir très mauvaise. Aussi, ces pauvres diables n’avaient-ils plus qu’un désir qu’ils ne savaient comment réaliser : c’était de se rapatrier, de revoir la Provence, de ne plus s’aventurer si loin de leur pays natal ! Mais ils traînaient un boulet, le boulet de la misère, et de faire plusieurs centaines de lieues avec ce boulet au pied, c’était dur !

Cependant, avant de songer à l’avenir, il fallait songer au présent, c’est-à-dire au souper du soir, qui n’était rien moins qu’assuré. Il n’y avait pas un