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rencontre inattendue.

peine, les cheveux gris, le teint hâlé, presque méconnaissable, mais que Dolly reconnut pourtant.

« Jane !… » s’écria-t-elle.

Elle l’avait relevée, et les deux cousines étaient dans les bras l’une de l’autre.

Quelle avait donc été depuis douze ans la vie des Burker ? Une vie misérable, — et même une vie criminelle en ce qui concernait du moins l’époux de l’infortunée Jane.

En quittant San-Diégo, pressé d’échapper aux poursuites qui le menaçaient, Len Burker s’était réfugié à Mazatlan, l’un des ports de la côte occidentale du Mexique. On s’en souvient, il laissait à Prospect-House la mulâtresse Nô, chargée de veiller sur Dolly Branican qui n’avait pas recouvré la raison à cette époque. Mais, peu de temps après, quand la malheureuse folle eut été placée dans la maison de santé du docteur Brumley par les soins de M. William Andrew, la mulâtresse, n’ayant plus aucun motif de rester au chalet, était partie pour rejoindre son maître, dont elle connaissait la retraite.

C’était sous un faux nom que Len Burker avait cherché refuge à Mazatlan, où la police californienne n’avait pu le découvrir. D’ailleurs, il ne demeura que quatre ou cinq semaines dans cette ville. À peine trois milliers de piastres — solde de tant de sommes dilapidées, et, en particulier, de la fortune personnelle de Mrs. Branican, — constituaient tout son avoir. Reprendre ses affaires aux États-Unis n’était plus possible, et il résolut de quitter l’Amérique. L’Australie lui parut un théâtre favorable pour tenter la fortune par tous les moyens, avant d’en être réduit à son dernier dollar.

Jane, toujours sous l’absolue domination de son mari, n’aurait pas eu la force de lui résister. Mrs. Branican, son unique parente, était alors privée de raison. En ce qui concernait le capitaine John, il n’y avait plus de doute sur son sort… Le Franklin avait péri corps et biens… John ne reviendrait jamais à San-Diégo… Rien ne pouvait désormais arracher Jane à cette triste destinée