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indices et incidents.

mission jusqu’au bout. Ce n’est pas de traverser ces déserts que j’appréhende, c’est, après les avoir traversés, d’être contraints de revenir sur nos pas sans avoir réussi.

— Croyez-vous donc, Tom, que le capitaine John ait succombé depuis le départ de Harry Felton ?

— Je n’en sais rien, Zach, et vous ne le savez pas davantage.

— Si, je le sais, comme je sais qu’un navire abat sur tribord quand on met sa barre à bâbord !

— Vous parlez là, Zach, comme parle Mrs. Branican ou Godfrey, et vous prenez vos espérances pour des certitudes. Je souhaite que vous ayez raison. Mais le capitaine John, s’il est vivant, est au pouvoir des Indas, et ces Indas où sont-ils ?

— Ils sont où ils sont, Tom, et c’est là que la caravane ira, quand elle devrait bouliner pendant six mois encore. Que diable ! lorsqu’on ne peut pas virer vent debout, on vire vent arrière, et on rattrape toujours sa route…

— Sur mer, oui, Zach, lorsqu’on sait vers quel port on se dirige. Mais, à travers ces territoires, sait-on où l’on va ?

— Ce n’est pas en désespérant qu’on l’apprendra.

— Je ne désespère pas, Zach !

— Si, Tom, et, ce qui est plus grave, c’est que vous finirez par le laisser voir. Celui qui ne cache pas son inquiétude fait un mauvais capitaine et incite son équipage au mécontentement. Prenez garde à votre visage, Tom, non pour Mrs. Branican, que rien ne pourrait ébranler, mais pour les blancs de notre escorte ! S’ils allaient faire cause commune avec les noirs…

— Je réponds d’eux comme de moi…

— Et comme moi, je réponds de vous, Tom ! Aussi ne parlons pas d’amener notre pavillon tant que les mâts sont debout !

— Qui en parle, Zach, si ce n’est Len Burker ?…

— Oh ! celui-là, Tom, si j’étais le commandant, il y a longtemps qu’il serait à fond de cale, avec un boulet à chaque pied ! Mais, qu’il y fasse attention, car je ne le perds pas de vue ! »