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chez les indas.

gion du nord, la coutume est de tuer les enfants pour s’en repaître, et même on coupe aux mères une phalange du doigt à chaque enfant qu’elle est contrainte de livrer à ces festins d’anthropophages. Détail épouvantable : lorsqu’elle n’a plus rien à manger, la mère va jusqu’à dévorer le petit être sorti de ses entrailles, et des voyageurs ont entendu ces malheureuses parler de cette abomination comme de l’acte le plus naturel !

Toutefois, ce n’est pas uniquement la faim qui pousse les Australiens au cannibalisme : ils ont un goût très prononcé pour la chair humaine — cette chair qu’ils appellent « talgoro », « la viande qui parle », suivant une de leurs expressions d’un effrayant réalisme. S’ils ne s’abandonnent pas à ce désir entre gens de la même tribu, ils n’en font pas moins la chasse à l’homme. Grâce à ces guerres incessantes, ces expéditions n’ont d’autre but que de se procurer le talgoro, aussi bien celui que l’on mange fraîchement tué que celui qui est mis en réserve. Et, voici ce qu’affirme le docteur Carl Lumholtz : pendant son audacieux voyage à travers les provinces du nord-est, les noirs de son escorte ne cessaient de traiter cette question de nourriture, disant : « Pour les Australiens, rien ne vaut la chair humaine. » Et encore faut-il que ce ne soit pas la chair des blancs, car ils lui trouvent un arrière-goût de sel fort désagréable.

Il y a d’ailleurs un autre motif qui prédispose ces tribus à s’entre-détruire. Les Australiens sont extraordinairement crédules. Ils s’effraient de la voix du « kvin’gan’, » du mauvais esprit, qui court les campagnes et fréquente les gorges des contrées montagneuses, bien que cette voix ne soit que le chant mélancolique d’un charmant oiseau, l’un des plus curieux de l’ornithologie australienne. Cependant, s’ils admettent l’existence d’un être supérieur et méchant, d’après les voyageurs les plus autorisés, jamais un indigène ne fait une prière et nulle part on ne trouve des vestiges de pratiques religieuses.

En réalité, ils sont très superstitieux, et, comme ils ont cette