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trois mois se passent.

situation de Mrs. Branican. M. William Andrew dut même reconnaître que la pauvre femme ne pouvait être en de meilleures mains. Au cours de ses visites, il observait surtout si l’état de Dolly avait quelque tendance à s’améliorer. Il voulait encore espérer que la première dépêche, adressée au capitaine John à Singapore ou aux Indes, ne lui annoncerait pas un double malheur, son enfant mort… sa femme… N’était-ce pas comme si elle fût morte, elle aussi ! Eh bien, non ! Il ne pouvait croire que Dolly, dans la force de la jeunesse, dont l’esprit était si élevé, le caractère si énergique, eût été irrémédiablement frappée dans son intelligence ! N’était-ce pas seulement un feu caché sous les cendres ?… Quelque étincelle ne le rallumerait-il pas un jour ?… Et pourtant, cinq semaines s’étaient déjà écoulées, et aucun éclair de raison n’avait dissipé les ténèbres. Devant une folie calme, réservée, languissante, que ne troublait aucune surexcitation physiologique, les médecins ne semblaient point garder le plus léger espoir, et ils ne tardèrent pas à cesser leurs visites. Bientôt même, M. William Andrew, désespérant une guérison, ne vint que plus rarement à Prospect-House, tant il lui était pénible de se trouver devant cette infortunée, si indifférente, et si inconsciente à la fois.

Lorsque Len Burker était obligé, pour un motif ou un autre, de passer une journée au dehors, la mulâtresse avait ordre de surveiller de très près Mrs. Branican. Sans chercher à gêner en rien les soins de Jane, elle ne la laissait presque jamais seule avec Dolly, et rapportait fidèlement à son maître tout ce qu’elle avait remarqué dans l’état de la malade. Elle s’ingéniait à éconduire les quelques personnes qui venaient encore prendre des nouvelles au chalet. C’était contraire aux recommandations des médecins, disait-elle… Il fallait un calme absolu… Ces dérangements pouvaient provoquer des crises… Et Mrs. Burker elle-même donnait raison à Nô, quand elle éloignait les visiteurs comme des importuns, qui n’avaient que faire à Prospect-House. Aussi l’isolement se faisait-il autour de Mrs. Branican.

« Pauvre Dolly, pensait Jane, si son état empirait, si sa folie deve-