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prise de possession.

D’origine espagnole, Saint-Augustine est à peu près restée ce qu’elle était autrefois. Elle s’élève vers l’extrémité d’une des îles du littoral. Les navires de guerre ou de commerce peuvent trouver un refuge assuré dans son port, qui est assez bien protégé contre les vents du large, incessamment déchaînés contre cette côte dangereuse de la Floride. Toutefois, pour y pénétrer, il faut franchir la barre dangereuse que les remous du Gulf-Stream développent à son entrée.

Les rues de Saint-Augustine sont étroites comme celles de toutes les villes que le soleil frappe directement de ses rayons. Grâce à leur disposition, aux brises marines qui viennent, soir et matin, rafraîchir l’atmosphère, le climat est très doux dans cette ville, qui est aux États-Unis ce que sont à la France Nice ou Menton sous le ciel de la Provence.

C’est plus particulièrement au quartier du port, dans les rues qui l’avoisinent, que la population a voulu se concentrer. Les faubourgs, avec leurs quelques cases recouvertes de feuilles de palmier, leurs huttes misérables, sont dans un tel état d’abandon qui serait complet, sans les chiens, les cochons et les vaches, livrés à une divagation permanente.

La cité proprement dite offre un aspect très espagnol. Les maisons ont des fenêtres solidement grillagées, et à l’intérieur, le patio traditionnel — cour entourée de sveltes colonnades, avec pignons fantaisistes et balcons sculptés comme des retables d’autel. Quelquefois, un dimanche ou un jour de fête, ces maisons déversent leur contenu dans les rues de la ville. C’est alors un mélange bizarre, senoras, négresses, mulâtresses, indiennes de sang mêlé, noirs, négrillons, dames anglaises, gentlemen, révérends, moines et prêtres catholiques, presque tous la cigarette aux lèvres, même lorsqu’ils se rendent au Calvaire, l’église paroissiale de Saint-Augustine, dont les cloches sonnent à toute volée et presque sans interruption depuis le milieu du dix septième siècle.

Ne point oublier les marchés, richement approvisionnés de légumes, de poissons, de volailles, de cochons, d’agneaux — que l’on égorge hic et nunc à la demande des acheteurs — d’œufs, de riz, de bananes bouillies, de « frijoles », sortes de petites fèves cuites, enfin de tous les fruits tropicaux, ananas, dattes,