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nord contre sud.

Cependant un indéfinissable pressentiment s’était emparé de James Burbank. N’était-ce pas dans cette même ville de Saint-Augustine qu’il avait déjà porté plainte contre Texar ? En excipant d’un incontestable alibi, l’Espagnol n’avait-il pas su échapper aux arrêts de la justice ? Un tel rapprochement devait s’établir dans l’esprit de l’auditoire, car cette première affaire ne remontait qu’à quelques semaines.

Texar, amené par des agents, parut aussitôt que le Conseil fut entré en séance. On le conduisit au banc des accusés. Il s’y assit tranquillement. Rien, sans doute, et en aucune circonstance, ne semblait devoir troubler son impudence naturelle. Un sourire de dédain pour ses juges, un regard plein d’assurance à ceux de ses amis qu’il reconnut dans la salle, plein de haine quand il le dirigea vers James Burbank, telle fut son attitude, en attendant que le colonel Gardner procédât à l’interrogatoire.

En présence de l’homme qui leur avait fait tant de mal, qui pouvait leur en faire tant encore, James Burbank, Gilbert, Mars, ne se maîtrisaient pas sans peine.

L’interrogatoire commença par les formalités d’usage, à l’effet de constater l’identité du prévenu.

« Votre nom ? demanda le colonel Gardner.

— Texar.

— Votre âge ?

— Trente-cinq ans.

— Où demeurez-vous ?

À Jacksonville, tienda de Torillo.

— Je vous demande quel est votre domicile habituel ?

— Je n’en ai pas. »

Comme James Burbank et les siens sentirent battre leur cœur, lorsqu’ils entendirent cette réponse, faite d’un ton qui dénotait chez l’accusé la ferme volonté de ne point faire connaître le lieu de sa résidence.

Et, en effet, malgré l’insistance du président, Texar persista à dire qu’il n’avait pas de domicile fixe. Il se donna pour un nomade, un coureur des bois, un chasseur des immenses forêts du territoire, un habitué des cyprières,