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la ferme de kerwan.

— Par mois ?… dit la fermière.

— Madame Martine…

— Par an, peut-être ? répliqua Sim en éclatant de rire. Une couronne par an…

— Enfin que veux-tu, mon garçon ? dit Murdock. Je comprends que tu aies l’idée de gagner ta vie, comme nous l’avons tous… Si peu que ce soit qu’on reçoive, cela vous apprend à compter… Que veux-tu ?… Un penny… un copper par jour ?…

— Non, monsieur Murdock.

— Alors explique-toi donc !

— Eh bien… chaque soir, monsieur Martin, vous me donnerez un caillou…

— Un caillou ?… s’écria Sim. Est-ce avec des cailloux que tu amasseras une fortune ?…

— Non… mais ça me fera plaisir tout de même, et, plus tard, dans quelques années, quand je serai grand, si vous avez toujours été contents de moi…

— C’est entendu, P’tit-Bonhomme, répondit M. Martin, nous changerons tes cailloux en pence ou en shillings ! »

Ce fut à qui complimenterait P’tit-Bonhomme de son excellente idée, et, dès le soir même, Martin Mac Carthy lui remit un caillou qui venait du lit de la Cashen — il y en avait encore des millions de millions. P’tit-Bonhomme le glissa soigneusement dans un vieux pot de grès que Grand-mère lui donna et dont il fit sa tirelire.

« Singulier enfant ! » dit Murdock à son père.

Oui, et sa bonne nature n’avait pu être altérée ni par les mauvais traitements de Thornpipe ni par les mauvais conseils de la ragged-school. La famille, en l’observant de près, à mesure que les semaines s’écoulèrent, dut reconnaître ses qualités naturelles. Il ne manquait même pas de cette gaieté qui est le fond du tempérament national, et que l’on retrouve même chez les plus pauvres de la pauvre Irlande. Et, pourtant, il n’était pas de ces gamins qui musent du matin au soir, dont les regards vont de-ci de-là, distraits par une