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marionnettes royales.

— Eh oui !… un chien, répliqua Thornpipe de mauvaise humeur, un chien dans une cage tournante… Ce qu’il m’a fallu de temps et de patience pour le dresser !… Et qu’ai-je reçu en payement de ma peine ?… Pas même la moitié de ce qu’on donne pour dire une messe au curé de la paroisse ! »

À l’instant où Thornpipe achevait cette phrase, le mécanisme s’arrêta, au vif déplaisir des spectateurs, dont la curiosité était loin d’être satisfaite. Et, comme le montreur de marionnettes se disposait à rabattre le couvercle de la caisse, en disant que la représentation était terminée :

« Est-ce que vous consentiriez à en donner une seconde ? lui demanda le pharmacien.

— Non, répondit brusquement Thornpipe, qui se voyait entouré de regards soupçonneux.

— Pas même si l’on vous assurait une belle recette de deux shillings ?…

— Ni pour deux ni pour trois ! » s’écria Thornpipe.

Il ne songeait qu’à partir, mais le public ne semblait point en humeur de lui livrer passage. Cependant, sur un signe de son maître, l’épagneul tirait déjà entre les brancards, lorsqu’une longue plainte, entrecoupée de sanglots, sembla s’échapper de la caisse.

Et alors Thornpipe, furieux, de s’écrier, ainsi qu’il l’avait déjà fait une première fois :

« Te tairas-tu, fils de chien !

— Ce n’est point un chien qui est là ! dit le curé en retenant la charrette.

— Si ! riposta Thornpipe.

— Non !… c’est un enfant !…

— Un enfant… un enfant ! » répéta l’assistance.

Quel revirement venait de s’opérer dans les sentiments des spectateurs ! Ce n’était plus leur curiosité, c’était leur pitié qui se manifestait par une attitude peu sympathique. Un enfant, placé à l’intérieur de cette boîte ouverte latéralement, et cinglé de