Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
389
comme on se retrouve.

À la pensée que la misère accablait cette famille, P’tit-Bonhomme éprouvait un gros chagrin, une peine de tous les instants.

Aussi attendit-on avec une vive impatience l’effet de cette note qui fut reproduite par les journaux de Dublin chaque samedi, durant plusieurs semaines… Aucun renseignement ne parvint. Certainement, si Murdock avait été enfermé dans une prison d’Irlande, on aurait eu de ses nouvelles. Il fallait conclure de là que M. Martin Mac Carthy, en quittant la ferme de Kerwan, s’était embarqué pour l’Amérique ou l’Australie avec tous les siens. En reviendraient-ils, s’ils arrivaient à se créer là-bas une seconde patrie, et avaient-ils abandonné la première pour n’y jamais revenir ?

Du reste, l’hypothèse d’une émigration en Australie fut confirmée par les renseignements qu’obtint M. O’Brien, grâce à l’entremise de plusieurs de ses anciens correspondants. Une lettre qu’il reçut de Belfast ne laissa plus aucun doute touchant le sort de la famille. D’après les notes relevées sur les livres d’une agence d’émigrants, c’était dans ce port que les Mac Carthy, au nombre de six, trois hommes, deux femmes et une enfant, s’étaient embarqués pour Melbourne, il y avait près de deux ans. Quant à retrouver ses traces sur ce vaste continent, ce fut impossible, et les démarches que fit M. O’Brien ne purent aboutir. P’tit-Bonhomme ne comptait donc plus que sur le deuxième des fils Mac Carthy, à la condition que celui-ci fût encore marin à bord d’un bâtiment de la maison Marcuard, de Liverpool. Aussi s’adressa-t-il au chef de cette maison ; mais la réponse fut que Pat avait quitté le service depuis quinze mois, et l’on ne savait pas sur quel navire il s’était embarqué. Une chance restait : c’était que Pat, de retour dans un des ports de l’Irlande, eût connaissance de l’annonce informative qui concernait sa famille… Faible chance, nous en conviendrons, à laquelle on voulut pourtant se rattacher, faute de pouvoir mieux faire.

M. O’Brien essayait vainement de rendre une lueur d’espoir à son jeune locataire. Et, un jour que leur conversation portait sur cette éventualité :