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p’tit-bonhomme.

— Cinq mois ?… Pourquoi pas cinq ans ! s’écria Grip, bouleversé comme le serait un pauvre diable qui aurait attrapé cinq ans de prison.

— Alors… tu es bien heureux, Grip ?

— Dam’… qu’è qu’tu veux que j’sois ?… Oui ! j’suis…

— Tu es une grande bête ! »

Et là-dessus, Bob de s’en aller en faisant une grimace significative.

La vérité est que Grip ne vivait plus, car ce n’est pas vivre que de passer son temps à se cogner le front dans les coins, comme une mouche contre l’abat-jour d’une lampe. Il était donc à propos qu’il partît, puisqu’il ne se décidait pas à rester, et c’est ce qui arriva à la date du 22 juin.

Ce fut pendant cette nouvelle absence de Grip, que la maison Little Boy traita d’une certaine affaire, approuvée par M. O’Brien, et qui devait lui valoir de beaux bénéfices. Il s’agissait d’un jouet qu’un inventeur venait de fabriquer, et dont P’tit-Bonhomme n’hésita pas à acheter le brevet.

Ce jouet fit d’autant plus fureur que c’était la maison Little Boy and Co, c’est-à-dire deux jeunes garçons qui en avaient monopolisé la vente. Au moment de partir pour les bains de mer, toute la gentry enfantine voulut s’offrir ce cadeau, lequel était assez coûteux, et Bob, spécialement attaché à cet article, ne put suffire aux impatiences de sa clientèle. Sissy dut lui venir en aide, et la vente n’en alla pas plus mal. La branche épicerie, si achalandée pourtant, vit ses recettes dépassées par celles du rayon des jouets. En fin de compte, comme tout cela se totalisait dans la caisse des Petites Poches, le caissier ne s’en montra pas autrement chagrin. De ce fait seul, le capital s’accrut de quelques centaines de guinées. Très probablement même, si le débit ne s’arrêtait pas, et en y ajoutant les bénéfices ordinaires de Noël, l’inventaire, au 31 décembre, se chiffrerait par trois mille livres[1].

  1. 75,000 francs.