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et pourquoi pas ?…

beau temps, soleil pas trop chaud, brise pas trop méchante, ciel de nuages floconneux. Un dimanche de Pâques sans pluie, voilà qui n’est certes pas commun dans l’Île-Émeraude ! Le printemps, assez précoce cette année-là, se prêtait aux épanouissements de la végétation. Les champs ne devaient pas tarder à verdir, les arbres à bourgeonner.

Une douzaine de milles séparent Tralee de la paroisse de Silton. Que de fois P’tit-Bonhomme avait parcouru cette route dans la carriole de M. Mac Carthy ! La dernière fois, il était seul… il revenait de Tralee à la ferme… il s’était caché derrière un buisson au moment où apparaissaient les constables et les recors… Ces impressions le reprenaient… Du reste, le chemin n’avait subi aucune modification depuis cette époque. Çà et là, de rares auberges, des terres en friche. Paddy est réfractaire au changement, et rien ne change en Irlande — pas même la misère !…

À dix heures, le jaunting-car s’arrêta au village de Silton. C’était l’heure de la messe. La cloche sonnait. Elle y était toujours, cette modeste église, bâtie de guingois, avec son toit boursouflé, ses murs hors d’aplomb. Là avait été célébré le double baptême de P’tit-Bonhomme et de sa filleule. Il entra dans l’église avec Sissy, Grip et Bob, laissant Birk devant le porche. Personne ne le reconnut, ni aucun des assistants ni le vieux curé. Pendant la messe, on se demandait quelle était cette famille, dont les membres n’avaient entre eux aucun point de ressemblance.

Et, tandis que P’tit-Bonhomme, les yeux baissés, revivait au milieu de ses souvenirs si mélangés de jours heureux et malheureux, Sissy, Grip et Bob priaient d’un cœur reconnaissant pour celui auquel ils devaient tant de bonheur.

Après un déjeuner servi à la meilleure auberge de Silton, le jaunting-car se dirigea vers la ferme de Kerwan, distante de trois milles.

P’tit-Bonhomme sentait ses yeux se mouiller en remontant cette route si souvent suivie le dimanche en compagnie de Martine et