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l’enterrement d’une mouette.

Et les rires de reprendre de plus belle au milieu d’un concert de hurrahs frénétiques.

P’tit-Bonhomme était outré. La colère le prit alors — une colère aveuglante — et n’y tenant plus, il ramassa un galet et le jeta de toutes ses forces contre Carker, lequel le reçut en pleine poitrine.

« Ah ! tu vas me l’payer ! » s’écria Carker.

Et, avant que Grip eût pu l’en empêcher, il se précipita sur le jeune garçon, il l’entraîna au bord de la grève, l’accablant de coups. Puis, tandis que les autres retenaient Grip par les bras, par les jambes, il enfonça la tête de P’tit-Bonhomme sous les lames au risque de l’asphyxier.

Étant parvenu à se débarrasser à coup de taloches de ces garnements dont la plupart roulèrent sur le sable en hurlant, Grip courut vers Carker, qui s’enfuit avec toute la bande.

En se retirant, les lames auraient entraîné P’tit-Bonhomme, si Grip ne l’eût saisi et ramené à demi évanoui.

Après l’avoir frotté vigoureusement, Grip ne tarda pas à le remettre sur pied. L’ayant rhabillé de ses haillons, et le prenant par la main :

« Viens… viens ! » lui dit-il.

P’tit-Bonhomme remonta du côté des roches. Là, apercevant l’oiseau écrasé, il s’agenouilla, des larmes lui mouillèrent les yeux, et, creusant un trou dans le sable, il l’y enterra.

Et, lui-même, qu’était-il, si ce n’est un oiseau abandonné… une pauvre mouette humaine !