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situation compromise.

— Oui, monsieur.

— Tu sais… va droit devant toi jusqu’à ta maman, et prends garde de tomber !

— Oui, monsieur.

— Et tends bien la main…

— Oui, monsieur… comme ça ? »

Et c’était une main fermée qu’il montrait.

« Non, nigaud !… C’est un poing, cela !… Tends donc une main ouverte, puisque tu demandes l’aumône…

— Oui, monsieur.

— Et surtout ne prononce pas un mot… pas un seul !

— Oui, monsieur. »

La porte de la chaumière s’ouvrit, et le régisseur le poussa juste à la réplique.

P’tit-Bonhomme venait de faire son début dans la carrière dramatique. Ah ! que le cœur lui battait fort !

Un murmure arriva de tous les coins de la salle, un touchant murmure de sympathie, tandis que Sib, la main tremblante, les yeux baissés, le pas incertain, s’avançait vers la dame en deuil. Comme on voyait bien qu’il avait l’habitude des haillons et qu’il n’était point gêné sous ses loques !

On lui fit un succès — ce qui le troubla davantage.

Soudain, la duchesse se lève, elle regarde, elle se rejette en arrière, puis elle ouvre ses bras…

Quel cri lui échappe — un de ces cris conformes aux traditions, qui déchirent la poitrine !

« C’est lui !… C’est lui !… Je le reconnais !… C’est Sib… c’est mon enfant ! »

Et elle l’attire à elle, elle le serre contre son cœur, elle le couvre de baisers, et il se laisse faire… Elle pleure — de vraies larmes, cette fois — et s’écrie :

« Mon enfant… c’est mon enfant, ce petit malheureux… qui me demande l’aumône ! »