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Le soir, aucun changement n’était survenu dans notre situation. Toujours la glace entre quatre cents et cinq cents mètres de profondeur. Diminution évidente, mais quelle épaisseur encore entre nous et la surface de l’Océan !

Il était huit heures alors. Depuis quatre heures déjà, l’air aurait dû être renouvelé à l’intérieur du Nautilus, suivant l’habitude quotidienne du bord. Cependant, je ne souffrais pas trop, bien que le capitaine Nemo n’eût pas encore demandé à ses réservoirs un supplément d’oxygène.

Mon sommeil fut pénible pendant cette nuit. Espoir et crainte m’assiégeaient tour à tour. Je me relevai plusieurs fois. Les tâtonnements du Nautilus continuaient. Vers trois heures du matin, j’observai que la surface inférieure de la banquise se rencontrait seulement par cinquante mètres de profondeur. Cent cinquante pieds nous séparaient alors de la surface des eaux. La banquise redevenait peu à peu ice-field. La montagne se refaisait la plaine.

Mes yeux ne quittaient plus le manomètre. Nous remontions toujours en suivant, par une diagonale, la surface resplendissante qui étincelait sous les rayons électriques. La banquise s’abaissait en dessus et en dessous par des rampes allongées. Elle s’amincissait de mille en mille.

Enfin, à six heures du matin, ce jour mémorable du 19 mars, la porte du salon s’ouvrit. Le capitaine Nemo parut.

« La mer libre ! » me dit-il.


CHAPITRE XIV

LE PÔLE SUD.


Je me précipitai vers la plate-forme. Oui ! La mer libre. À peine quelques glaçons épars, des icebergs mobiles ; au loin une mer étendue ; un monde d’oiseaux dans les airs, et des myriades de poissons sous ces eaux qui, suivant les fonds, variaient du bleu intense au vert olive. Le thermomètre marquait trois degrés centigrades au-dessus de zéro. C’était comme un printemps relatif enfermé derrière cette banquise, dont les masses éloignées se profilaient sur l’horizon du nord.

« Sommes-nous au pôle ? demandai-je au capitaine, le cœur palpitant.

— Je l’ignore, me répondit-il. À midi nous ferons le point.