Page:Verne - Voyage au centre de la Terre.djvu/128

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durait depuis plus d’une heure. Je me tordais d’impatience ! Mon oncle voulait employer les grands moyens. J’eus de la peine à l’arrêter, et déjà il saisissait son pic, quand soudain un sifflement se fit entendre. Un jet d’eau s’élança de la muraille et vint se briser sur la paroi opposée.

Hans, à demi renversé par le choc, ne put retenir un cri de douleur. Je le compris lorsque, plongeant mes mains dans le jet liquide, je poussai à mon tour une violente exclamation. La source était bouillante.

« De l’eau à cent degrés ! m’écriai-je.

— Eh bien, elle refroidira, » répondit mon oncle.

Le couloir s’emplissait de vapeurs, tandis qu’un ruisseau se formait et allait se perdre dans les sinuosités souterraines ; bientôt nous y puisions notre première gorgée. Ah ! quelle jouissance ! Quelle incomparable volupté ! Qu’était cette eau ? D’où venait-elle ? Peu importait. C’était de l’eau, et, quoique chaude encore, elle ramenait au cœur la vie prête à s’échapper. Je buvais sans m’arrêter, sans goûter même.

Ce ne fut qu’après une minute de délectation que je m’écriai :

« Mais c’est de l’eau ferrugineuse !

— Excellente pour l’estomac, répliqua mon oncle, et d’une haute minéralisation ! Voilà un voyage qui vaudra celui de Spa ou de Tœplitz !

— Ah ! que c’est bon !

— Je le crois bien, une eau puisée à deux lieues sous terre ! Elle a un goût d’encre qui n’a rien de désagréable. Une fameuse ressource que Hans nous a procurée là ! Aussi je propose de donner son nom à ce ruisseau salutaire.

— Bien ! » m’écriai-je.

Et le nom de « Hans-bach » fut aussitôt adopté.

Hans n’en fut pas plus fier. Après s’être modérément rafraîchi, il s’accota dans un coin avec son calme accoutumé.

« Maintenant, dis-je, il ne faudrait pas laisser perdre cette eau.

— À quoi bon ? répondit mon oncle, je soupçonne la source d’être intarissable.

— Qu’importe ! remplissons l’outre et les gourdes, puis nous essayerons de boucher l’ouverture. »

Mon conseil fut suivi. Hans, au moyen d’éclats de granit et d’étoupe, essaya d’obstruer l’entaille faite à la paroi. Ce ne fut pas chose facile. On se brûlait les mains sans y parvenir ; la pression était trop considérable, et nos efforts demeurèrent infructueux.

« Il est évident, dis-je, que les nappes supérieures de ce cours d’eau sont situées à une grande hauteur, à en juger par la force du jet.