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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

En effet, il se trouvait en présence de cette terre du roi-Guillaume, théâtre du plus terrible drame des temps modernes ! À quelques milles dans l’ouest s’étaient à jamais perdus l’Erebus et le Terror.

Les matelots du Forward connaissaient bien les tentatives faites pour retrouver l’amiral Franklin et le résultat obtenu, mais ils ignoraient les affligeants détails de cette catastrophe. Or, tandis que le docteur suivait sur sa carte la marche du navire, plusieurs d’entre eux, Bell, Bolton, Simpson, s’approchèrent de lui et se mêlèrent à sa conversation. Bientôt leurs camarades les suivirent, mus par une curiosité particulière ; pendant ce temps, le brick filait avec une vitesse extrême, et la côte, avec ses baies, ses caps, ses pointes, passait devant le regard comme un panorama gigantesque.

Hatteras arpentait la dunette d’un pas rapide. Le docteur, établi sur le pont, se vit entouré de la plupart des hommes de l’équipage ; il comprit l’intérêt de cette situation, et la puissance d’un récit fait dans de pareilles circonstances ; il reprit donc en ces termes la conversation commencée avec Johnson :

« Vous savez, mes amis, quels furent les débuts de Franklin ; il fut mousse comme Cook et Nelson ; après avoir employé sa jeunesse à de grandes expéditions maritimes, il résolut, en 1845, de s’élancer à la recherche du passage du nord-ouest ; il commandait l’Erebus et le Terror, deux navires éprouvés, qui venaient de faire, avec James Ross, en 1840, une campagne au pôle antarctique. L’Erebus, monté par Franklin, portait soixante-dix hommes d’équipage, tant officiers que matelots, avec Fitz-James pour capitaine, Gore, Le Vesconte, pour lieutenants, Des Vœux, Sargent, Couch, pour maîtres d’équipage, et Stanley pour chirurgien. Le Terror comptait soixante-huit hommes, capitaine Crozier,