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SECONDE PARTIE



LE DÉSERT DE GLACE


CHAPITRE PREMIER. — L’INVENTAIRE DU DOCTEUR.

C’était un hardi dessein qu’avait eu le capitaine Hatteras de s’élever jusqu’au nord, et de réserver à l’Angleterre, sa patrie, la gloire de découvrir le pôle boréal du monde. Cet audacieux marin venait de faire tout ce qui était dans la limite des forces humaines. Après avoir lutté pendant neuf mois contre les courants, contre les tempêtes, après avoir brisé les montagnes de glace et rompu les banquises, après avoir lutté contre les froids d’un hiver sans précédent dans les régions hyperboréennes, après avoir résumé dans son expédition les travaux de ses devanciers, contrôlé et refait pour ainsi dire l’histoire des découvertes polaires, après avoir poussé son brick le Forward au delà des mers connues, enfin, après avoir accompli la moitié de sa tâche, il voyait ses grands projets subitement anéantis ! La trahison ou plutôt le découragement de son équipage usé par les épreuves, la folie criminelle de quelques meneurs, le laissaient dans une épouvantable situation : des dix-huit hommes embarqués à bord du brick, il en restait quatre, abandonnés sans ressource, sans navire, à plus de deux mille cinq cents milles de leur pays !

L’explosion du Forward, qui venait de sauter devant eux, leur enlevait les derniers moyens d’existence.

Cependant, le courage d’Hatteras ne faiblit pas en présence de cette terrible catastrophe. Les compagnons qui lui restaient, c’étaient les meilleurs de son équipage, des gens héroïques. Il avait fait appel à l’énergie, à la science du