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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

et ils arrivèrent à une sorte de vallon, largement découvert, au fond duquel serpentait une rivière à peu près dégelée ; son exposition au midi avait déterminé sur ses bords et à mi-côte une certaine végétation. Le sol y montrait une véritable envie de se fertiliser ; avec quelques pouces de terre végétale, il n’eût pas demandé mieux que de produire. Le docteur fit observer ces tendances manifestes.

« Voyez, dit-il, quelques colons entreprenants ne pourraient-ils, à la rigueur, s’établir dans cette ravine ? Avec de l’industrie et de la persévérance, ils en feraient tout autre chose, non pas les campagnes des zones tempérées, je ne dis pas cela, mais enfin un pays présentable. Eh ! si je ne me trompe, voilà même quelques habitants à quatre pattes ! Les gaillards connaissent les bons endroits.

— Ma foi, ce sont des lièvres polaires, s’écria Altamont, en armant son fusil.

— Attendez, s’écria le docteur, attendez, chasseur enragé ! Ces pauvres animaux ne songent guère à fuir ! Voyons, laissez-les faire ; ils viennent à nous ! »

En effet, trois ou quatre jeunes lièvres, gambadant parmi les petites bruyères et les mousses nouvelles, s’avançaient vers ces trois hommes, dont ils ne paraissaient pas redouter la présence ; ils accouraient avec de jolis airs naïfs, qui ne parvenaient guère à désarmer Altamont.

Bientôt, ils furent entre les jambes du docteur, et celui-ci les caressa de la main en disant :

« Pourquoi des coups de fusil à qui vient chercher des caresses ? La mort de ces petites bêtes nous est bien inutile.

— Vous avez raison, docteur, répondit Hatteras ; il faut leur laisser la vie.

— Et à ces ptarmigans qui volent vers nous ! s’écria Altamont, à ces chevaliers qui s’avancent gravement sur leurs longues échasses ! »