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LA NOUVELLE ÉQUIPE

— Maurice, te souviens-tu de l’élection de Poincaré ?

— Oui… « Poincaré, c’est la guerre », disait-on. Ce Lorrain fanatique a bien joué son jeu…

En causant, les deux hommes étaient arrivés à la gare. La bibliothèque était assaillie. Au milieu de ses journaux la bibliothécaire, une petite femme brune et alerte, semblait toute affairée. Et, tout en donnant satisfaction aux acheteurs, elle se mêlait à la conversation.

Quand Maurice et Léon pénétrèrent dans la gare, ils l’entendirent qui disait :

— C’est sûr qu’on l’aura, la guerre, à présent qu’ils ont tué le seul homme qui pouvait l’empêcher.

L’assassinat de Jaurès était d’ailleurs la préoccupation de tous. Avidement, on lisait les détails du drame, puis on en discutait.

— C’est L’Action Française qui a fait le coup, allez disait un gros homme. Bien sûr on ne l’saura pas, mais c’est elle.

— Certainement, dit un autre. Depuis le temps qu’ils l’accusaient de trahir, d’être vendu à l’Allemagne. Ils ont monté les têtes, avec toutes leurs histoires.

— Il les gênait, ajouta un troisième, il y voyait trop clair, cet homme là.

Maurice et Léon, à leur tour, dépliaient les feuilles du matin. Le drame du Café du Croissant occupait toutes les manchettes. L’Humanité était encadrée de deuil. Repris par leur émotion de la veille, les deux frères lisaient tous les détails qui pourtant leur étaient connus. Comme les autres, dans le bouleversement causé par cette mort, ils en oubliaient ce qui, l’instant, d’avant, était leur grande préoccupation.

Pourtant ils se ressaisirent, passèrent aux autres nouvelles. Et soudain, Maurice indiqua à son frère un communiqué bref.