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LA NOUVELLE ÉQUIPE

toutes les boutiques les commerçants collaient en grande hâte de larges étiquettes tricolores sur lesquelles on lisait ces mots : « Maison française ». Des drapeaux ornaient les devantures. Quand les noms des boutiquiers prêtaient à l’équivoque, des placards écrits à la main complétaient l’étiquette tricolore. On y lisait : « Je suis alsacien ». « Je suis polonais ». « Je suis belge ». « Mon père est né à Strasbourg ». Sur les glaces des boulangeries, on grattait les mots « boulangerie Viennoise » plusieurs glaces ayant été brisées à cause de cette inscription.

Mais d’autres spectacles s’offraient également aux regards. Des magasins avaient été pillés à l’instar des dépôts Maggi. Un grand magasin de confection pour hommes, portant un nom étranger, était saccagé. Devant un magasin de chaussures, une bande de fanatiques, puisant à même d’immenses corbeilles, en sortaient les chaussures qu’ils jetaient à la foule.

— Chaussez-vous, criaient-ils, autant de pris sur l’ennemi.

— Paris est littéralement fou, dit Maurice ; s’ils étaient à Berlin je me demande ce qu’ils feraient.

Sur leur passage, tous les dépôts Maggi offraient le même aspect de désolation.

— Et cette funambulesque histoire de lait empoisonné, dit Léon, et cette plaisanterie d’une fuite clandestine compliquée de millions en or, enfermés dans des boîtes à lait.

— Que veux-tu, le peuple aime le roman-feuilleton ; il est servi.

— Et magistralement. Un roman-feuilleton en action, c’est autrement palpitant que ceux du Petit Parisien.

Comme ils arrivaient à la gare Saint-Lazare, ils entendirent raconter l’incendie des Grands-Moulins