Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/147

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jours là : l’œil regardera Caïn tant que Dieu n’aura pas consenti qu’il meure. Le héros de Leconte de Lisle n’a point de remords. Des sentiments contraires vont donc inspirer une imagination contraire. Il veut être, non enterré, mais couché sur le dos, la face vers le ciel ; assez haut pour que les vautours ne l’atteignent pas, mais ce ne sera jamais si haut que les cris de la souffrance humaine ne montent pas jusque-là. Et ce Qaïn se couche quand il décide de terminer sa vie ; il n’attend pas la permission de Dieu ; il meurt au jour choisi par lui-même. Si Leconte de Lisle s’est souvenu de Hugo, ce qui est possible, il l’a donc imité en le contredisant.

Thagorma voit ensuite apparaître un cavalier qui maudit Hénokhia. Le personnage sort du roman de Ludovic de Cailleux. Sa prophétie sort de la vision d’Ézéchiel, maudissant Tyr, et peut-être aussi des poèmes où Hugo, après Ézéchiel et après l’Apocalypse, a repris ce thème des villes maudites ; Hugo disait (Pleurs dans la nuit) : « Où donc est Tyr ? demande Ninive. Et Tyr demande : Où donc est Ninive ? » Le cavalier vu par Thagorma répète la question, mais en introduisant dans l’épisode un personnage très cher à Leconte de Lisle : le corbeau. « L’aigle et le corbeau se demanderont un jour : où donc se-dressait-elle la ville aux murs de fer, habités par les Géants ? »

En face du cavalier, Qaïn se réveille. Il se redresse. Il commande le silence. Celui qui l’insulte va savoir