Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 4.djvu/206

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de ton ami, tu concuidras[1] les espis, et pour mengier les froteras en la main ; mais tu n’en cuidras[2] nul à faucille[3]. La moissons, c’est li poples, si comme Nostre Sires monstre en l’Evangile[4]. La moissons donques de mon ami c’est li poples d’autre province, et froteras les espis en trespassant, c’est amonester le pople en un cors de sainte Eglise, à la volenté de Nostre Segneur. Donques, povons nous passer par la province en amonestant le pople à bien faire, sanz faire tort à nului ; ne ne metons pas la faucille de jugement ou pople d’autre province. Autre raison ; car cit honorable evesque et nostre frere de ceste province nous commanderent et amonesterent ce à faire en charité, pour ce que il n’avoient point de provincial, et voudrent que nous ordenissons de leur causes ausi comme de noz propres. » Est-il ensi, segneur frere evesque, dist-il aus evesques ? Et il respondirent : Oil. Lors dist après : « Or nous povons donques avertir que il plaist à Nostre Segneur que nostres princes et nostres rois est ci presenz, à cui nous nous sommes souzmis de nostre volenté pour nous et noz eglises garder et defendre ; et est ci venuz pour nous et nous pour lui, en la der-

  1. Tu concuidras, tu ramasseras.
  2. Tu n’en cuidras, tu n’en cueilleras.
  3. Deuteronome, chap. xxiii, vers. 25.
  4. Où il dit : « la moisson si est moult grande ; c’est assavoir le pueple ; mais les ouvriers qui y doivent ouvrer sont trop durement pou priez. Dictes doncques au seigneur de ceste moisson que il y envoie des ouvriers » (royal ms. 16 G VI, fol. 219, en note). Ce manuscrit a voulu ainsi traduire le passage de saint Mathieu (chap. ix, v. 37, cité par les Annales de Saint-Bertin, année 869) : « Messis quidem multa est, operarii autem pauci ; rogate ergo dominum messis, ut mittat operarios in messem suam » (Mon. Germ. hist., Scriptores, t. I, p. 484).