Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 7.djvu/103

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le roy mon filz vous fist, qui vint en vostre aide pour secorre vostre contrée et vostre terre contre touz les barons de France qui la vouloient toute ardoir et mettre en charbon. » Le conte regarda la royne qui tant estoit sage, et tant belle, que de la grant biauté de lui il fu tous esbahiz. Si li respondi : « Par ma foi, madame, mon cuer et mon cors, et toute ma terre est en vostre commandement, ne n’est rienz qui vous poist plaire que je ne feisse volentiers, ne jamais, se Dieu plaist, contre vous ne contre les vos je n’iré. »

D’iluec se parti touz penssis, et li venoit souvent en remenbrance du douz regart la royne et de sa belle contenance. Lors si entroit son cueur en une penssée douce et amoureuse[1]. Mais quant il li souvenoit qu’elle estoit si haute dame, de si bonne vie et de si nete qu’il n’en porroit ja joir, si muoit sa douce penssée amoureuse en grant tristece. Et por ce que parfondes penssées engendrent melancolie, li fu il loé d’aucuns sages homes qu’il se estudiast en biaus sons de viele et en douz chanz delitables. Si fist entre lui et Gace Brulé[2] les plus belles chançons et les plus delitables et melodieuses qui onques feussent oïes en chançon ne

  1. Sur la prétendue passion de Thibaut IV pour la reine Blanche de Castille, voir Hist. littéraire de la France, t. XXIII, p. 775-777 ; É. Berger, Hist. de Blanche de Castille, p. 252, et surtout les Chansons de Thibaut de Champagne, publiées par A. Wallensköld, p. xv-xxi. Cf. d’Arbois de Jubainville, op. cit., t. IV, 1re part., p. 281-285.
  2. Sur Gace Brûlé, voir Hist. littéraire de la France, t. XXIII, p. 564-569. Il vécut à la fin du xiie siècle et dans le premier quart du xiiie siècle. Les Chansons de Gace Brûlé, précédées d’une bonne étude sur le poète et ses poésies, ont été publiées par Gédéon Huet dans la Société des anciens textes français, 1902, in-8o.