Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 7.djvu/273

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tout son penssé et qu’il vouloit aler à Romme celéement. Et il respondirent que il conduiroient sauvement à l’aide de Dieu. Tantost apresterent une galie de quanque mestier estoit et se mistrent en mer le plus celéement qu’il porent, et passerent les aguiez de leur anemis, quar Mainfroi feisoit guetier le conte Karle et par mer et par terre pour ce qu’il savoit bien qu’il devoit venir à Romme. Quant le conte fu arrivé au port, nouvelles s’espandirent par le païs que le conte Karle estoit venus. Si commencierent à dire li Rommain : « Que sera de cest homme que les periz de mer ne les aguiez de ses anemis ne troublent ; verainement la vertu Nostre Seigneur est avoec lui. » L’apostoile Climent et le clergié le reçurent a grant honneur, et fu fet senateur de Romme par la volenté de touz. Assez tost après, l’Apostoile manda les cardinaus et leur dist que Mainfroi avoit mout grevé ses devanciers et dessaisis de toute la seignorie du reamme de Sezile. « Et comme le conte Karle soit venus en ceste contrée pour nous aidier, bien li devrions donner la digneté et l’onneur que ce renoié tient à tort et sanz reison, et les tresors de sainte Eglise abandonner. »

Les cardinaus respondirent : « Vicaire de Dieu, mout avez bien parlé à l’onneur de sainte Eglise et nous le volons tuit. » L’Apostoile fist asavoir au conte Karle tout son penssé et qu’il vouloit que il feust rois de Sezile, et Mainfroi le bastart en feust desposé. Les nobles hommes de Romme et de la contrée s’assamblerent au jour que le roy fu couronné[1], et firent grant feste

  1. Charles d’Anjou fut couronné à Saint-Jean-de-Latran le 6 janvier 1266 (Paul Durrieu, Les archives angevines de Naples, t. II, p. 165).