Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 8.djvu/244

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à baillier et livrer de sa gent meismes es mains de ses anemis, s’il advenoit qu’il eust bataille contre eulz. Laquelle chose, comme il le racontast aussi comme à conseil à sa femme, comme cil qui bien savoit que tantost elle le manderoit à son frere ; lors ycelle qui cuidoit celle chose estre vraie, tantost le manda à son frere le roy de France. Et ainsi pour celle chose se departi le roy avec le merveilleux et innombrable ost qu’il avoit assamblé[1]. Mais toutes fois, ainçois que le roy s’esmeust ne departist, envesti et saisi le conte de Bourgoigne Othelin, de la seigneurie de la conté d’Artois pour rayson de Mahaut sa femme, fille seule du noble conte d’Artois Robert occis des Flamens de Bruges, sauf le droit que en yce requeroient les filz et les enfanz Phelippe, frere de celle Maheut, qui par devant estoit mort. Et ensement le roy de France laissa pluseurs serjans et chevaliers par divers lieus ordenez à appareil batailleurs, qui les efforcemens des Flamens et leur decours en la terre d’Artois constrainsissent et debatissent. Et adecertes, yceulz, après ce, souventes fois à leurs anemis orent assaut et moult repristrent et restraindrent leurs efforcemens, dont en la feste de saint Nicholas[2] d’yver, de ceulz de Bruges viiic et plus, vers Ayre, en une bataille en occistrent.

  1. En reproduisant cette anecdote, les Grandes Chroniques se font l’écho d’un bruit qui fut alors répandu. Cf. Chronique normande (éd. Molinier, p. 20-22) ; Istore et cronique de Flandres (éd. Kervyn de Lettenhove, t. I, p. 256-257) ; Gilles le Muisit (éd. H. Lemaître, p. 70). La Continuation de G. de Nangis (éd. Géraud, t. I, p. 337) attribue ce départ aux conseils (maligno consilio) du comte de Savoie.
  2. Latin : « in vigilia sancti Nicholai hiemalis », soit le 5 décembre 1302 (cf. Funck-Brentano, op. cit., p. 438 ; Annales