Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 8.djvu/385

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la Sainte Terre ; si s’assemblerent très grant nombre, et acouroient les pastouriaux des champs, et laissoient leurs bestes, et sanz prendre congié ne à pere ne à mere, s’ajoustoient aus autres, sanz denier et sanz maille. Et quant cestui qui les gouvernoit vit qu’il estoient si fors, si commencierent à faire maintes injures, et se aucun de eulz pour ce estoit pris, il brisoient les prisons et les en traioient à force, dont il firent grant vilanie au prevost de Chastellet de Paris[1], car il le trebuchierent par i degré et n’en fu plus fait. Si se partirent de Paris robant les bonnes gens, et les villes les laissoient aler puisque Paris n’i avoit mis nul conseil, et s’en vindrent jusques en la terre de la Langue d’oc ; et touz les Juifs qu’il trouvoient il occioient sanz merci, ne les bailliz ne les pooient garantir, car le peuple crestien ne s’en vouloit mesler contre les Crestiens pour les Juis. Dont il avint qu’il s’enfuirent en une tour[2], bien vc, que hommes, que femmes, que enfans, et les pastouriaus les assaillirent, et ceulz se deffendrient à pierres et à fust ; et quant ce leur failli, si leur getterent leurs enfans. Adonc mistrent les pastouriaux le feu en la porte et les Juifs virent que il ne porent eschaper ; si s’occistrent eulz meismes. Les pastouriaux s’en alerent vers Carcassonne pour faire autel, mais ceus qui gardoient le pays s’assemblerent grant ost et alerent contre eulz[3], et il se desperserent et fuirent ça et là,

  1. Gilles Hakin. Ce serait le 3 mai que le prévôt de Paris aurait été malmené par les Pastoureaux. Cf. la Chronique parisienne anonyme qui donne plus de détails sur cet événement.
  2. À Verdun-sur-Garonne, Tarn-et-Garonne, arr. de Castel-Sarrazin, ch.-l. de cant.
  3. Ce fut le sénéchal de Carcassonne, Aymeri du Cros, qui