Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 9.djvu/225

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Quant messire Robert vit que ses gens estoient ainsi fuiz, si monta tantost et ne tarda onques jusques atant que il fu à Cassel sus le mont, et là cuida bien estre tuez de ses gens, ne onques n’i fu à sauveté jusques atant qu’il fu à Ypre. Puis vous dirai du duc de Bourgoigne qui estoit entré en la ville de Saint-Omer ; et là se reposoient toutes ses gens d’armes. Toute la nuit coururent destriers par les champs et les gens ne savoient où aler. Mais II chevaliers qui estoient à l’evesque de Terouane, qui faisoient le guet et ne savoient riens de la bataille, vindrent courant jusques bien près des tentes, si ne virent âme. Et quant vint en l’aube du jour, si virent que touz s’en estoient alez[1]. Tantost entrerent es tentes et pristrent du plus bel et du meilleur qu’il trouverent, tant qu’il furent touz chargiez. Et l’endemain, quant on le sceut en la ville, là peust-on veoir maint homme à pié et à cheval courre au gaaing ; et ne fina onques toute jour de y mener chars et charetes chargiez de tentes et d’autres estophes de guerres, et gaaignierent si grant avoir que ce fu grant merveille. Et mourut bien ylec xiic chevaux que on fist touz ardoir pour la punaisie, et fist-on getter les mors en grans charniers. Et messire Robert d’Artoys qui estoit à Ypre n’i osa plus demourer, ainz s’en retourna en l’ost du roy d’Angleterre qui estoit devant Tournay[2]. Et fu le païs de Flandres si desconfist, que mil hommes de armes eussent bien desconfit tout le pays jusques à Bruges. Quant le roy d’Angle-

  1. Sur la panique des Flamands, cf. Jean le Bel, t. I, p. 189-190, et Froissart, éd. Luce, t. II, p. 78-79.
  2. Le siège de Tournai dura du 1er  août au 27 septembre 1340 (Jean le Bel, t. I, p. 183, note 1). Sur ce siège, cf. Gilles le Muisit, éd. Lemaître, p. 128 à 133.