Page:Viard - Grandes chroniques de France - Tome 9.djvu/343

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dite mortalité ou royaume de France, et dura environ an et demy, pou plus pou mains, en tele maniere que à Paris mouroit bien jour par autre, viii cenz personnes. Et commença ladite mortalité en une ville champestre, laquelle est appellée Royssi[1], emprès Gonnesse, environ trois liues près de Saint Denys en France. Et estoit très grant pitié de veoir les corps des mors en si grant quantité, car en l’espace dudit an et demi, selon ce que aucuns disoient, le nombre des trespassés à Paris monta à plus de l mile. Et en la ville de Saint Denys, le nombre se monta à xvi mile ou environ ; et ja soit ce qu’il se mourussent ainsi habondaument, toutes voies avoient ilz confession et leurs autres sacremens. Si avint, durant ladite mortalité, que deux des religieus de monseigneur saint Denis chevauchoient parmy une ville et aloient en visitacion par le commandement de leur abbé. Si virent en ycelle ville les hommes et les femmes qui dançoient a tabours et a cornesmuses, et faisoient très grans festes. Si leur demandèrent les devant diz religieux, pourquoy ilz faisoient tiex festes. Adonques leur distrent : « Nous avons veuz nos voisins mors et si les veons de jour en jour mourir, mais pour ce que la mortalité n’est point entrée en nostre ville, ne si n’avons pas esperance qu’elle y entre pour la leesce qui est en nous, c’est la cause pour quoy nous dançons. »

Lors se departirent lesdiz religieux pour aler acomplir ce qui leur estoit commis. Quant ilz orent fait tout ce qui commis leur estoit, si se mistrent au chemin

  1. Roissy, Seine-et-Oise, arr. de Pontoise, cant. de Gonesse.