Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/277

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Accusa le ciel d’injustice
Pour un moindre mal que le mien.

Vous, grand roy si sage et si juste
Qu’on ne voit point de roy pareil,
Suivrez-vous le mesme conseil
Qui fit jadis faillir Auguste ?
Sa faute offence ses nepveux,
Et faict perdre beaucoup de vœux
Aux autels qu’on doit à sa gloire ;
Mesme les astres aujourd’huy
Font des plaintes à la Memoire
De ce qu’elle a parlé de luy.

Encore dit-on que son ire
L’avoit bien justement pressé,
Et qu’Ovide ne fut chassé
Que pour avoir osé mesdire.
Moy, dont l’esprit mieux arresté,
D’une si sotte liberté
Ne se trouva jamais capable,
Aussi tost que je fus banny,
Je souhaittay d’estre coupable
Pour estre justement puny.

Mais jamais la melancholie
Qui trouble ces mauvais esprits
N’a fait paroistre en mes escrits
Un pareil excez de folie,
Et si, depuis le premier jour
Que mon devoir et mon amour
M’attacherent à vos services,
Je n’ay tout oublié pour eux,
Le ciel, pour chastier mes vices,
Fasse un enfer plus rigoureux.

Je n’ay point failly, que je sçache,
Et si j’ay peché contre vous,
Le plus dur exil est trop doux