Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/292

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En quel si beau marbre de Pare

Dois-je graver des monuments

Qui soient fidèles à ta gloire ?

Quels si religieux serments,

Jurant tes faits à la mémoire,

Feront croire que je ne mens ?


L’Espagne, mère de l’orgueil,

Ne préparait votre cercueil

Que de la corde et de la roue,

Et venait avec des vaisseaux

Qui portaient, peintes sur la proue,

Des potences et des bourreaux.


Ses troupes à pleine licence

Venaient fouler votre innocence,

Et l’appareil de ses efforts

Craignait de manquer de matière,

Où vos champs, tapissés de corps,

Manquaient plutôt de cimetière

Pour le sépulcre de ses morts.


Les vôtres, que mordit sa rage,

Mourant disaient en leurs courages :

O nos terres ! O nos cités !

Si vous n’êtes plus asservies,

Ayant gagné vos libertés,

Nous voulons bien perdre nos vies.


O vous, que le destin d’honneur

Retira pour notre bonheur,

Belles âmes, soyez apprises

Que l’horreur de vos corps détruits

N’a point rompu nos entreprises,

Et que nous recueillons les fruits

Des peines que vous avez prises.


Nos ports sont libres, nos remparts

Sont assurés de toutes parts.

Picorant jusqu’au bout du monde.