Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/319

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D’un air plein d’amoureuse flame,
Aux accens de ta douce voix,
Je voy les fleuves et les bois
S’embrazer comme a faict mon ame.

Si tu mouilles tes doigts d’yvoire
Dans le crystal de ce ruisseau,
Le Dieu qui loge dans ceste eau
Aymera, s’il en oze boire.

Presente-luy ta face nue,
Tes yeux avecque l’eau riront,
Et dans ce miroir escriront
Que Venus est icy venue.

Si bien elle y sera despeincte,
Que les Faunes s’emflammeront,
Et de tes yeux, qu’ils aymeront,
Ne sçauront descouvrir la feinte.

Entends ce Dieu qui te convie
À passer dans son element ;
Oy qu’il soupire bellement
Sa liberté desjà ravie.

Trouble-luy ceste fantaisie,
Destourne-toy de ce miroir,
Tu le mettras au desespoir,
Et m’osteras la jalousie.

Voy-tu ce tronc et ceste pierre ?
Je croy qu’ils prennent garde à nous,
Et mon amour devient jaloux
De ce myrthe et de ce lierre.

Sus, ma Corine ! que je cueille
Tes baisers du matin au soir !
Voy comment, pour nous faire asseoir,
Ce myrthe a laissé cheoir sa fueille.

Oy le pinçon et la linotte,
Sur la branche de ce rosier ;
Voy branler leur petit gosier !