Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/322

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SUR UNE TEMPESTE.

Qui s’esleva comme il estoit prest de s’embarquer
pour aller en Angleterre.


Parmy ces promenoirs sauvages
J’oy bruire les vents et les flots,
Attendant que les mattelots
M’emportent hors de ces rivages.
Icy les rochers blanchissans,
Du choc des vagues gemissans.
Herissent leurs masses cornues
Contre la cholere des airs,
Et presentent leurs testes nues
À la menace des esclairs.

J’oy sans peur l’orage qui gronde,
Et, fust-ce l’heure de ma mort,
Je suis prest à quitter le port
En dépit du ciel et de l’onde.
Je meurs d’ennuy dans ce loisir :
Car un impatient desir
De revoir les pompes du Louvre
Travaille tant mon souvenir,
Que je brusle d’aller à Douvre,
Tant j’ay haste d’en revenir.

Dieu de l’onde, un peu de silence !
Un Dieu faict mal de s’esmouvoir.
Fais-moy paroistre ton pouvoir
À corriger ta violence.
Mais à quoi sert de te parler,
Esclave du vent et de l’air,
Monstre confus qui, de nature
Vuide de rage et de pitié,
Ne monstre que par advanture