Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/338

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Dont l’aimable douceur efface son injure.

À voir vos sentimens escrits si doucement,
À voir vostre douleur peinte si vivement,
Je croy qu’en vain la mort de ce butin se vante :
Car, comme la raison m’apprend à discourir,
Celle que vous plaignez est encore vivante,
Puis qu’elle est dans vos vers, qui ne sçauroient mourir.

Vous meslez dans ce deuil tant d’agreables charmes
Que c’est estre insensé que luy donner des larmes ;
Je la crois bien heureuse en si rare tombeau,
Et regarde sa gloire avecques tant d’envie
Que, si l’on m’eust deu faire un monument si beau,
Je mourrois de regret de ne l’avoir suyvie.

J’ay creu que la tristesse estoit pleine de maux,
Et perdois en l’erreur d’un jugement si faux
La douce resverie où l’ennuy nous amuse ;
Mais vous faictes le deuil avecques tant d’appas
Que j’ayme sa rigueur, combien que je l’accuse,
Et trouve du plaisir à craindre le trespas.



POUR MADAMOISELLE DE M…


Je suis bien jeune encor, et la beauté que j’ayme
Est jeune comme moy.
J’ay souvent desiré de luy parler moi-mesme
Pour luy donner ma foy.
J’obey sans contrainte à l’amour qu’il me donne,
Quelque desir qu’il ayt,
Et sans lui resister mon ame s’abandonne
À tout ce qui lui plaist.
Si pour luy tesmoigner combien je suis fidelle
Il me falloit mourir,