Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/346

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Que je puisse m’esloigner d’elle
Sans trouver la mort sur mes pas.

Mon esprit est forcé de suivre
L’aymant de son divin pouvoir,
Et tout ce que j’appelle vivre,
C’est de luy parler et la voir.
Quand Cloris me faict bon visage,
Les tempestes sont sans nuage,
L’air le plus orageux est beau ;
Je ris quand le tonnerre gronde,
Et ne croy point que tout le monde
Soit capable de mon tombeau.

La felicité la plus rare
Qui flatte mon affection,
C’est que Cloris n’est point avare
De caresse et de passion.
Le bon-heur nous tourne en coustume ;
Nos plaisirs sont sans amertume,
Nous n’avons ny courroux ny fard ;
Nos trames sont toutes de soye,
Et la Parque, après tant de joye,
Ne les peut achever que tard.



DESESPOIRS AMOUREUX.


Esloigné de vos yeux, où j’ay laissé mon ame,
Je n’ay de sentiment que celuy du mal-heur,
Et, sans un peu d’espoir qui luit parmy ma flame,
Mon trespas eust esté ma derniere douleur.
Pleust au Ciel qu’aujourd’huy la terre eust quitté l’onde,
Que les raiz du soleil fussent absens des Cieux,
Que tous les eslemens eussent quitté le monde,