Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/357

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Blasme ce qu’il n’entend, et son ame, estourdie,
Pense que mon sçavoir me vient de maladie.
Mais vous, à qui le ciel de son plus doux flambeau
Inspira dans le sein tout ce qu’il a de beau,
Vous n’avez point l'erreur qui trouble ces infâmes,
Ny l’obscure fureur de ces brutalles ames :
Car l’esprit plus subtil, en ses plus rares vers,
N’a point de mouvements qui ne vous soient ouverts ;
Vous avez un génie à voir dans les courages,
Et qui cognoist assez mon ame et mes ouvrages.
Or, bien que la façon de mes nouveaux escrits
Diffère du travail des plus fameux esprits,
Et qu’ils ne suivent point la trace accoustumée
Par où nos escrivains cherchent la renommée,
J’ose pourtant prétendre à quelque peu de bruit,
Et croy que mon espoir ne sera point sans fruict.
Vous me l’avez promis, et, sur ceste promesse,
Je fausse ma promesse aux vierges de Permesse ;
Je ne veux reclamer ny Muse, ny Phœbus ;
Grâce à Dieu, bien guery de ce grossier abus,
Pour façonner un vers que tout le monde estime,
Vostre contentement est ma dernière lime ;
Vous entendez le poids, le sens, la liaison.
Et n’avez, en jugeant, pour but que la raison ;
Aussi mon sentiment à vostre adveu se range,
Et ne reçoit d’autruy ny blasme ny louange.
Imite qui voudra les merveilles d’autruy.
Malherbe a très bien faict, mais il a fait pour luy ;
Mille petits volleurs l’escorchent tout en vie.
Quand à moy, ces larcins ne me font point d’envie ;
J’approuve que chascun escrive à sa façon :
J’ayme sa renommée, et non pas sa leçon.
Ces esprits mendiants, d’une vaine infertile.
Prennent à tous propos ou sa rime ou son style,
Et de tant d’ornemens qu’on trouve en luy si beaux