Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/375

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Expliquent aujourd’huy ces fabuleux ombrages.
Autresfois les mortels parloient avec les Dieux,
L’on en voyoit pleuvoir à toute heure des deux ;
Quelquesfois on a veu prophétiser des bestes ;
Les arbres de Dodonne estoient aussi prophètes.
Ces comptes sont fascheux à des esprits hardis,
Qui sentent autrement qu’on ne faisoit jadis.
Sur ce propos un jour j’espère de t’escrire
Et prendre un doux loisir pour nous donner à rire.
Cependant je te prie encore m’excuser
Et me laisser ainsi libre à te refuser,
Me permettre tousjours de te fermer l’oreille
Quand tu me prieras d’une faveur pareille.
Penses-tu, quand j’aurois employé tout un jour
A bien imaginer des passions d’amour
Que mes conceptions seroient bien exprimées
En paroles de choix, bien mises, bien rimées ?
L’autre n’y trouveroit possible rien pour luy,
Tant il est mal aisé d’escrire pour autruy.
Après qu’à son plaisir j’aurois donné ma peine,
Je sçais bien que possible il loueroit ma veine :
« Vrayment ces vers sont beaux, ils sont doux et coulants,
« Mais pour ma passion ils sont un peu trop lents.
« J’eusse bien désiré que vous eussiez encore
« Mieux loué sa beauté, car vrayment je l’honore.
« Vous n’avez point parlé du front, ny des cheveux,
« Ny de son bel esprit, seul object de mes vœux.
« Tant seulement six vers encor, je vous supplie.
« Mon Dieu, que de travail vous donne ma folie î »
Il voudroit que son front fust aux astres pareil,
Que je la fisse ensemble et l’aube et le soleil,
Que j’escrive comment ses regards sont des armes,
Comme il verse pour elle un océan de larmes.
Ces termes esgarez offencent mon humeur,