Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/395

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Quelque nécessité que le Ciel me prescrive.
Quelque si grand malheur qui jamais m’en arrive,
Je me suis résolu d’attendre que le sort
Auprès de ses beautez fasse venir ma mort ;
Si tandis je souffrois le coup des destinées,
J’aurois bien du regret à mes jeunes années ;
Mon ombre ne feroit qu’injurier les Dieux
Et plaindre incessamment l’absence de ses yeux.


ELEGIE.


Mon ame est triste et ma face abbattue ;
Je n’en puis plus, ta disgrâce me tue.
Croy que je t’ayme, et que, pour te fascher,
J’ay ton plaisir et mon repos trop cher.
Que si je viens jamais à te desplaire
Je ne veux point que le soleil m’esclaire,
Et si les Dieux ont si peu de pitié
Que de m’oster un jour ton amitié,
Il ne faut point d’autre coup de tonnerre
Pour me bannir du ciel et de la terre.
Hier, pressé bien fort de ma douleur,
En souspirant mon innocent malheur,
Je suppliois Lisandre de te dire
Que ton courroux au desespoir me tire,
Et si bien tost il ne s’en va cesser,
Tu n’auras plus à qui te courroucer :
Car mon esprit, consommé de ta haine.
Ne peut souffrir davantage de peine.
Sans plus de mal, je cognois bien pourquoy
Ton doux regard s’est destourné de moy,
Et que ma faute est assez pardonnable,