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viii

toute ma pensée, je ne saurais mieux faire que de rappeler ici les éloquents et combien douloureux passages de Guy de Maupassant, que mon excellent ami et confrère Pol Neveux rappelait si justement au mois de mai de l’année dernière à Rouen, si j’ai bonne mémoire :

« Dans son appétit du néant, Maupassant a été jusqu’à nier son propre effort. Je retrouve ces lignes dans une lettre ignorée : « Moi, je suis incapable d’aimer vraiment mon art. Je le juge trop, je l’analyse trop. Je sens combien est relative la valeur des idées, des mots et de l’intelligence la plus puissante. Je ne puis m’empêcher de mépriser la pensée, tant elle est faible, et la forme, tant elle est incomplète. J’ai vraiment, d’une façon aiguë, inguérissable, la notion de l’impuissance humaine et le mépris de l’effort qui n’aboutit qu’à de pauvres à peu près…

« Si jamais je pouvais parler devant quelqu’un et non devant une barrière, je laisserais sortir peut-être tout ce que je sens au fond de moi de pensées inexplorées, refoulées, désolées. Je les sens qui me gonflent et m’empoisonnent, comme la bile chez les bilieux. Mais si je pouvais un jour les expectorer,