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lui survive, que son œuvre fut continuée ; il rêvait d’un fils plus grand, plus puissant que lui pour aller à la conquête de l’idéal. Et cet enfant rêvé devint bientôt l’obsession de toute sa vie, de chaque minute de cette vie.

Et vous venez ricaner et vous vous écriez :

— Cet homme faisait la noce, il avait six maitresses !

— Non, il ne faisait pas la noce, pour lui ces femmes n’étaient que l’instrument, que le moule vivant ou vivante il voulait couler son image, se créer un fils, un héritier, un successeur, un continuateur de son œuvre. Et toujours son rêve fut déçu.

Eh bien, gens à courtes vues, je n’hésite pas à déclarer ici que je me découvre avec respect, à la simple évocation de cette lamentable mémoire, de cette âme martyre, au souvenir de cet homme qui a tant souffert, tant pleuré toute sa vie devant son impuissance et pour moi, je trouve qu’il n’est pas possible d’assister à spectacle plus poignant, à calvaire plus douloureux, car ne sentez vous pas, comme moi, ce cœur saigner toute sa vie et se lamenter dans l’aride désert de l’impuissance, de la mort et du néant ?

Comme je lisais hier, à propos de Fécondité, ces lignes émues et si vraies de Mirbeau :

« Il offre à la nature, non comme un sacrifice, mais comme une joie, l’effort de son âme et de son corps, vit, crée, agit, enfin, en beauté et en simplesse… Et c’est l’ensemencement de la terre et de la femme ; c’est la récolte. C’est la nature de plus en plus soumise, la stérilité chassée du sol et de l’humanité, et