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CHAPITRE PREMIER

JUSQU’AUX ÉTATS GÉNÉRAUX





Je suis née à Versailles[1], le 25 octobre 1772. Ma grand’mère, la duchesse de Civrac[2], était l’amie et la dame d’honneur de Madame Victoire, fille de Louis XV. Mon grand-père, après plusieurs ambassades et notamment celle de Vienne

  1. J’ai écrit que l’étais née à Versailles, parce que ma famille y demeurait ; on m’y apporta aussitôt après ma naissance ; j’y ai été nourrie, élevée ; mais des ouvrages ont dit que j’étais née au Louvre, et cela est vrai. Le duc de Nevers, père du duc de Nivernais, avait obtenu de Louis XV la permission de se bâtir une maison dans les grands murs du Louvre. Le roi lui avait concédé la moitié de la façade qui donne sur le quai ; l’autre partie avait été arrangée dans le temps pour l’infante d’Espagne fiancée à Louis XV, et qui depuis a été reine de Portugal. Il y avait des jardins en terrasse sur la Seine ; celui de l’infante était planté de plusieurs rangs de grands arbres. À la mort du duc de Nevers, en 1738, le Roi permit à mon grand-père, le duc de Civrac, et à son fils, de jouir de cette habitation pendant leur vie en s’arrangeant avec le duc de Nivernais qui leur vendit la construction quarante mille francs. Le pavillon du bout, qui a trois fenêtres de façade, resta en usufruit aux deux filles du célèbre Quinault*. L’ainée avait épousé secrètement le duc de Nevers, et son excellente conduite lui faisait rendre beaucoup de politesses. Je me rappelle que ma grand’mère me mena un jour voir ces vieilles demoiselles ; nous y trouvâmes le duc de Nivernais. Le jardin de ma grand’mère était pareil pour l’étendue à celui de l’infante dont il n’était séparé que par le guichet ; un tiers était réservé pour Mlles Quinault. Lors de la Révolution on abattit toutes les fenêtres, les cloisons, les escaliers, les étages ; on n’a laissé que les grands murs, comme le reste du Louvre d’alors. (Note de l’auteur.)

    * Elles étaient filles du comédien Quinault, mort en 1736. Marie-Anne, qui avait épousé le duc de Nevers, veuf de Marie-Anne Spinois, est morte à la fin du siècle, âgée d’environ cent ans. La cadette, Jeanne-Françoise, la plus célèbre de la famille par son charme, son esprit et sa liaison avec d’illustres personnages, est morte en 1785 ; on a publié sa correspondance avec Voltaire et Piron.

  2. Marie-Anne de Lafaurie de Monbadon, née en 1720, morte à Versailles le