Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/153

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tanti, beau-frère du célèbre marquis Tanucci, premier, ministre du roi de Naples, autrefois professeur à l’Université de Pise. Je me laissais aller au charme de ce langage et de cette prononciation toscane, surtout quand je les comparais au gémissement nasal et guttural de l’idiome danois, que j’étais bien forcé d’entendre, mais sans y rien comprendre, grâce à Dieu. J’avais de la peine avec ledit comte Catanti à me faire à la propriété du mot, à la précision et au tour énergique de la phrase, qualités suprêmes du toscan ; mais, pour la prononciation de mes barbarismes italianisés, elle était assez pure et passablement toscane. À force de me moquer de tous les autres modes de prononciation italienne, qui, en conscience, choquaient trop mon oreille, je m’étais accoutumé à prononcer de mon mieux et l’u et le z, et le ci et le gi, en un mot, tout ce qui distingue le parler toscan. Ainsi excité par le comte Catanti à ne pas négliger une si belle langue, qui, après tout, était la mienne, puisqu’à aucun prix je ne voulais être Français, je me repris à lire quelques ouvrages italiens. Je lus, parmi beaucoup d’autres, les dialogues de l’Arétin, qui provoquaient mon dégoût par leur obscénité, mais qui me ravissaient par l’originalité, la variété et l’heureux choix des expressions. Je m’amusai ainsi à lire, parce que souvent, pendant l’hiver, je me vis forcé de garder la chambre, et même le lit, grâce aux fréquentes indispositions qui m’assaillirent pour avoir trop évité l’amour sentimental. Je me remis encore avec plai-