Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/445

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d’y réussir un jour. J’écrivis la seconde et une partie de la troisième ; mais je n’étais pas encore assez recueilli en moi-même ; mal logé et sans livres, je n’avais guère le cœur à rien.

Et voici comment j’en vins à m’exercer dans la déclamation, ce qui n’était qu’une autre manière de perdre le temps. Il y avait à Florence une dame et quelques jeunes gens qui avaient le goût et l’intelligence de cet art. On apprit Saül, et on le représenta pendant le printemps de 1793, dans une maison particulière, sans théâtre, devant un auditoire très-peu nombreux, et avec beaucoup de succès. À la fin de cette même année, il se trouva près du pont de la Sainte-Trinité une maison extrêmement jolie, quoique petite, placée sur le Lung’Arno, au midi, la maison de Gianfigliazzi, où nous allâmes nous établir au mois de novembre, où je suis encore, et où il est probable que je mourrai, si le sort ne m’emporte pas d’un autre côté. L’air, la vue, la commodité de cette maison me rendirent la meilleure partie de mes facultés intellectuelles et créatrices, moins les tramélogédies, auxquelles il ne me fut plus possible de m’élever. Toutefois ayant pris goût, l’autre année, au plaisir frivole de la déclamation, j’y perdis encore en 1794 trois bons mois du printemps. On recommença dans ma maison les représentations du Saül, et j’en remplis le rôle ; puis le premier Brutus, dont je jouai aussi le personnage. Tout le monde me disait, et je n’étais pas moi-même éloigné de le croire, que je faisais des progrès rapides dans cet art si difficile