Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
SIX ANS AUX MONTAGNES ROCHEUSES

dire : « Cette neige au cœur de l’été, ne croyez-vous pas qu’elle donne des obstructions au foie ? » (Lettre 95). Et ailleurs : « À vos estomacs débilités par tant de raffinements, bientôt la neige ne suffira plus ; il vous faudra la glace. » Aussi les inconvénients de ces boissons trop froides se manifestent-ils un peu partout, et un Américain me disait un jour : « Notre maladie nationale, c’est la dyspepsie. »

Une autre passion des Américains, c’est la passion des sucreries ; ils ont toujours la bouche pleine d’une sorte de caramel, qu’ils appellent du « candy », qui leur gâte les dents dès leur enfance ; ne vous étonnez donc point que l’Amérique soit le paradis des dentistes.

Je n’eus pas le temps de faire de longues observations sur les mœurs de mes compagnons de voyage  ; car dès le second repas et bien longtemps avant la fin, je dus m’éloigner à la hâte, la serviette devant la bouche. Je fis le reste du voyage sur mon dos, en proie au malaise bien connu des passagers qui comme moi n’ont pas le pied marin. Je ne remontai sur le pont qu’au moment où nous allions entrer dans la baie de New-York  ; d’ailleurs, bien ou mal portant, je dus à Sandy-Hook me présenter comme tout le monde avec mes valises aux officiers de la douane. On visite ici les bagages de cabine  ; nous étions tous réunis dans la salle à manger de première classe, qui ressemble à une chapelle avec sa nef plus ou moins ogivale et son orgue monumental. Lorsque mon tour fut arrivé, je fus tout étonné d’entendre le préposé des douanes, après m’avoir demandé si je n’avais rien à déclarer, me dire : «  Prêtez serment, take the oath  ». Il est curieux de voir comment aux États-Unis on use et abuse de cette formule  ; l’inconvénient très grave de cette coutume est d’enlever au serment tout son prestige, et je me souviens